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Le jour où j'ai vu le film Zion

Dernière mise à jour : il y a 2 jours


Le cinéma guadeloupéen, je l’attends toujours au tournant. Partagé.e entre l’exigence que j’ai face aux grandes réalisations internationales et la bienveillance nécessaire envers un cinéma local encore à ses balbutiements, je vais souvent en salle avec l’espoir de voir émerger une œuvre qui nous ressemble et qui nous élève.





Avec Zion, l’attente était particulière. J’avais vu le court-métrage Timoun aw dont est tiré le film. Et, bien que séduit.e par la photographie, j’en avais retenu quelques faiblesses, notamment du côté de la direction d’acteur.


Le succès du film, autant ici qu'en France, m'intriguait. En Guadeloupe, on a parfois ce réflexe de "big up" des œuvres locales, comme si critiquer revenait à trahir. J’allais donc voir Zion avec cette question en tête : l’enthousiasme était-il mérité, ou simplement dicté par ce besoin de toujours soutenir les nôtres ?


Par ailleurs, les propos misogynes du réalisateur et de l'acteur principal jetaient une ombre sur l'œuvre, me laissant un goût amer avant même d’entrer dans la salle. Pourtant, malgré ces réserves et ce contexte pesant, je gardais l’espoir d’être agréablement surpris.e, tout en veillant à maintenir des attentes mesurées.


Dès les premières minutes, les images de Pointe-à-Pitre m'ont touché.e. Contempler les quartiers de mon enfance, comme les Lauriers ou la cité Bergevin, a fait resurgir des souvenirs. La mise en scène est réaliste, et la lumière sublime la peau des acteurs, qui ne sont pour la plupart pas des professionnels, mais qui jouent avec une "certaine" justesse. La bande-son immersive, fusionnant traditionnel et contemporain, enveloppe le spectateur dans une atmosphère singulière. Ce film capture l’âme de cette partie de Pointe-à-Pitre, sans jamais sombrer dans la caricature.


Le récit de Zion s'articule autour de deux intrigues parallèles. D’un côté, l’histoire de cet homme un brin égoïste, contraint de s’occuper d’un enfant au cœur d’un contexte de trafic de drogue. Cette intrigue, bien que prometteuse, m’a semblé un peu simpliste dans le rendu, et les personnages, malgré quelques détails, manquent de profondeur. Certaines longueurs auraient pu être exploitées pour leur donner plus de relief.

De l’autre, le contexte de révolte qui sert de toile de fond, avec des émeutes pendant le carnaval et un drame familial. Si l'insertion de cette révolte dans l'univers festif du carnaval apporte une dimension singulière, le lien entre ces deux fils narratifs reste parfois ténu. La phrase évoquant la nécessité pour la Guadeloupe de se comporter comme une famille m’a paru un peu forcée, comme une tentative maladroite de lier ces deux mondes. Malgré tout, cette volonté de mise en scène d’une révolte locale, bien que perfectible, ne gâche pas le propos principal.

Comme à chaque fois, ce film a donné lieu, dans mon entourage, à des : « Il aurait dû faire ça plutôt que ça… », qui se concluent invariablement par : « Le réal a voulu faire le film qu’il voulait, pas celui que tu voulais ! »


Dans le film que j’aurais voulu voir…

La mère de Chris ne se fait pas tuer pendant le carnaval par la police, ou alors la Guadeloupe se serait soulevée. Cet homicide n'est d'ailleurs pas exploité dans le film. L’absence de la mère aurait eu plus d’impact dans son rapport aux femmes. Les personnages auraient plus de profondeur et auraient reflété différents archétypes guadeloupéens, qui, chacun à leur tour, auraient connu une évolution.Les émeutes auraient peut-être eu lieu durant le carnaval mais ce dernier aurait été interdit, et Akiyo aurait défilé, entraînant tous les Guadeloupéens avec eux — pire qu’un mas maten. Les gendarmes auraient eu peur, et le mas serait passé, fier…Mais ça, c’est dans le film que j’aurais voulu voir.


En fin de compte, j’ai été plutôt satisfait.e de Zion, enfin si je limite ma vision au cinéma guadeloupéen. En effet, si on le juge à l’aune de nos productions, il se place bien au-dessus du panier ; en revanche, confronté à l’international, il reste un film juste sympa à voir. En résumé, Zion mérite son succès, pour le saut qualitatif d'une proposition locale. J’espère qu’il inspirera d’autres réalisateurs à aller plus loin.


Ce qui m’a interpellé.e également, c’est que, malgré une histoire de Chris et Zion qui se suffisait à elle-même, le réalisateur a ressenti le besoin d’y adjoindre la révolte du peuple.

Cela m’a amené.e à me demander : est-il possible de créer en Guadeloupe sans aborder nos revendications ? Cette nécessité de les exprimer est compréhensible, tant les injustices locales, le manque d’eau, le rapport à la France, sont prégnants.


Cette urgence à dire, à dénoncer, semble indissociable de notre créativité. Pourtant, peut-être qu’à force de donner voix à ces revendications, nous trouverons un langage plus subtil pour peindre nos réalités — et permettre aussi à d’autres histoires de s’épanouir.




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...J'ai été témoin de phénomènes d'une rare pertinence et d'une grande force d'interpellation.😅

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